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Photo du rédacteurErwan Hernot

Wishful thinking : quelle tendance pour l'exercice des tendances 2025 (ou 24, 23,... ;)


Tendances managériales ou voeux pieux ?
L'avenir est incertain à cause d'un futur peu prévisible

Cette fin d'année, c'est LE moment ! Une profusion d’« études de tendances » anticipe les évolutions majeures RH et management dans le monde de l’entreprise, pour l'année qui vient. Qu’il s’agisse de modes de travail hybrides, d’essor de l’intelligence artificielle (IA), ou encore d’impératifs de durabilité et de diversité, de nombreux acteurs – cabinets de conseil, instituts, médias spécialisés – publient régulièrement des analyses plus ou moins prospectives. Cependant, ces pronostics, pour séduisants qu’ils soient, reposent la plupart du temps sur un exercice de subjectivité individuelle. Dans bien des cas, les « tendances » s’apparentent à des visions idéales et à des projections incertaines, sans étude empirique vraiment solide pour toutes les étayer. Autrement dit, la détection de tendances devient un exercice où le désir de voir s’implanter certaines pratiques pèse autant – sinon plus – que leur réalité déjà observée sur le terrain. La frontière entre l’anticipation légitime (fondée sur des signaux émergents tangibles) et le « vœu pieux » (souhaité par les penseurs et les experts) est parfois floue. D'où l'idée de procéder à un tri dans la variété de sources qui abordent 2025, pour obtenir un panorama plus net des thématiques en présence. Sur cette base, je vois deux grandes catégories :

  1. Les tendances « Wishful thinking » ou « vœux pieux », qui expriment souvent ce que les entreprises devraient idéalement faire, mais qu’elles ne font pas ou très peu en réalité.

  2. Les tendances déjà amorcées, c’est-à-dire celles qui s’observent concrètement dans un nombre significatif d’organisations et qui témoignent d’un ancrage réel.


Panorama général des grandes thématiques

J'ai commencé par rassembler puis comparé différentes sources (Gartner, cabinets de conseil, rapports d’écoles de commerce, résumés d’articles sur le futur du travail, enquêtes sur le télétravail ou l’IA, etc. voir toutes les sources en (1). J'ai alors distingué les thèmes suivants :

  1. Télétravail et organisation hybride

  2. Automatisation et Transformation Digitale (IA, data)

  3. Santé mentale et bien-être des collaborateurs

  4. Place grandissante des données dans les RH

  5. "Nouvelles formes" de management (culture organisationnelle, leadership inclusif, intelligence émotionnelle)

  6. Développement durable et engagement ESG

  7. Évolution des modes de recrutement (talent marketplaces, compétences vs. diplômes)

  8. Flexibilité et personnalisation du travail (quels horaires, quels espaces, quels modes de collaboration)

  9. Civilité et respect au travail (incivilités, lutte contre le harcèlement, valeurs partagées)

  10. Pratiques de diversité, équité, inclusion (dites DEI) et leur ancrage dans la stratégie

  11. Modèles de travail réellement mis en place ( vers des indicateurs de performance basés sur les résultats plutôt que sur la présence)

  12. Approches axées sur la durabilité, la RSE et l’exigence environnementale

Ces douze points émergent de la compilation des différents éléments rassemblés. Ils reflètent un éventail assez large, allant du plus concret (pénurie de talents, adoption d’outils digitaux, réorganisation des bureaux) au plus conceptuel (leadership par l’empathie, stratégies de repositionnement DEI).


Catégorie 1 : Les tendances « Wishful thinking »

Dans ces tendances, on retrouve ce que beaucoup de rapports prônent comme des évolutions souhaitables pour le monde du travail. Ce n'est donc pas une tendance (le prolongement significatif d'un élément déjà existant). Elles peinent à se concrétiser pleinement dans la réalité. Elles traduisent surtout des intentions – parfois sincères et parfois instrumentalisées – plus que des transformations effectives.


Une attention (déclarative) soutenue à la santé mentale

Plusieurs études soulignent que « 85 % des DRH considèrent la santé mentale comme une priorité ». On voit apparaître des initiatives telles que « champions de la santé mentale », suivi du stress, programmes d’accompagnement, etc. Cependant, la mise en place de ces dispositifs demeure encore partielle et très inégale selon la taille des entreprises et les secteurs d’activité. En outre, même si les directions RH affirment un désir fort de préserver le bien-être, la pression sur la productivité et les réorganisations rapides mènent souvent à un effet inverse : les témoignages d’épuisement ou de surcharge s’accumulent, et l’évolution réglementaire reste balbutiante dans de nombreux pays. Ainsi, la tendance « priorité à la santé mentale » se heurte à la réalité des contraintes économiques et organisationnelles. C’est un bel objectif, un idéal reconnu par la plupart, mais dont l’implémentation (temps, budget, culture managériale) demeure très variable.


L’inclusion et la diversité portées au rang de « nouveaux fondamentaux »

La généralisation des politiques DEI (Diversité, Équité, Inclusion) figure en bonne place dans toutes les listes de tendances. Dans les rapports, on parle de rebaptiser la DEI en « leadership inclusif », de l’ancrer dans la stratégie, etc. Nombre d’organisations publient d’ailleurs des communiqués de valeurs. Mais on constate souvent un décalage entre le discours corporate et les pratiques réelles : manque de budget ou de volonté politique, objectifs peu quantifiés, stigmatisation cachée…

Malgré ces annonces, la réalité nous montre que la proportion de femmes ou de minorités dans les comités exécutifs stagne souvent et que les progrès concrets prennent beaucoup plus de temps. Le « rebranding » de la DEI ne se traduit pas toujours par des indicateurs précis, ni par un véritable changement culturel.


Le bien-être comme pilier stratégique

Une multitude de articles et d’études vantent l’importance du « bien-être intégré » au modèle de l’entreprise : horaires sur mesure, prise en compte des rythmes personnels, promotion d’un management empathique. Cela constituerait un idéal du point de vue de certains salariés. Il reste que la majorité des entreprises n’a pas (encore?) revu en profondeur ses modes de fonctionnement. Les exemples de semaines de quatre jours, d’horaires décalés, de limitation stricte des réunions, restent encore marginaux. À ce stade, nous sommes plus dans l’expression d’un souhait que d’une réalité. Les exigences de rentabilité, la compétition sur les marchés mais aussi la nécessaire cohésion des équipes freinent l’expansion rapide de ces nouvelles formes d’organisation centrées sur le bien-être.


Des modèles « holacratiques » ou l’aplatissement total de la hiérarchie

Il n’est pas rare de lire des propositions sur « l’émergence de structures organisationnelles horizontales ». Dans les faits, quelques start-up ou firmes tech tentent (ou ont tenté) l’expérience. Mais la plupart des grands groupes et PME gardent des lignes hiérarchiques relativement classiques, même si la collaboration transversale se renforce. Le management horizontal reste donc un concept régulièrement cité et loué, mais qui relève souvent d’une aspiration avant-gardiste, non encore standardisée dans le tissu économique global.


Catégorie 2 : Les tendances réellement amorcées

Si certaines anticipations relèvent clairement du « vœu pieux », d’autres évolutions s’imposent déjà comme des faits tangibles dans de nombreuses organisations.


L’hybridation du travail et le télétravail

C’est probablement la tendance la plus visible et la plus installée. Portée par la crise sanitaire, l’adoption massive du télétravail et des formules hybrides s’est traduite par une réinvention, au moins partielle, de l’organisation. Même si l’enthousiasme initial a été tempéré par des retours partiels ou imposés au bureau, la flexibilité – ne serait-ce que quelques jours par semaine – est devenue un acquis pour beaucoup de salariés. Les entreprises, conscientes de l’enjeu de fidélisation, maintiennent des politiques plus ouvertes qu’auparavant. Par ailleurs, au-delà du simple télétravail, on voit des transformations concrètes : la refonte de bureaux en « flex office » ou « espaces collaboratifs », l’essor d’outils de visioconférence et de collaboration numérique, et l’adaptation des process RH (intégration des nouveaux arrivants, suivi de la performance) à la distance.


L’automatisation et la place de l’intelligence artificielle

Qu’il s’agisse de l’IA générative (GenAI) ou des algorithmes d’automatisation des tâches répétitives, l’adoption de solutions technologiques au service des RH et du management est une réalité grandissante. Nombre de services RH ont déjà recours à des chatbots internes pour répondre aux questions des salariés (demande de congés, suivi de paye, etc.), voire à des outils d’analyse prédictive pour identifier les risques de départ ou cibler les plans de formation.

Certes, l’IA n’a pas encore tout révolutionné, mais on observe une réelle volonté d’exploiter ces outils, soutenue par la pression concurrentielle et l’accélération technologique. Cette tendance se vérifie tant dans les grands groupes que dans certaines entreprises de taille intermédiaire, même si les PME plus petites avancent parfois à un rythme plus lent.


L’usage systématique des données dans les décisions RH

Un nombre croissant d’entreprises investit dans l’analytique pour optimiser la gestion des talents, mesurer l’engagement, repérer les besoins de compétences et même anticiper certains risques sociaux. Contrairement aux vœux pieux plus généraux sur le « management bienveillant », le recours à la data est déjà concret dans de nombreux processus (recrutement, gestion de la performance, plans de succession). le vocabulaire s'enrichit de mots bien entendu en français ;) on parle de Talent Analytics, People Analytics ou Workforce Planning avancé.

L’usage des tableaux de bord RH, des indicateurs de performance (diversité, engagement ou turnover) est de plus en plus courant. C’est là une évolution observable et mesurable, permise par des plateformes logicielles et un regain d’intérêt pour la mesure objective.


La prise en compte du développement durable et de la responsabilité sociétale

Les enjeux de RSE et d’ESG apparaissent dans le top des priorités de certaines entreprises, en particulier sous l’angle « marque employeur » et « attraction de talents ». De plus en plus de candidats, notamment les plus jeunes, disent accorder de l’importance à la dimension sociétale. S’il est vrai qu’il reste parfois une part d'écoblanchiment ou de blanchiment social, on observe néanmoins des actions réelles chez des employeurs qui se fixent des objectifs d’émissions carbone, qui introduisent des projets de mobilité douce, qui collaborent avec des ONG, etc.

Cette mouvance, soutenue par des réglementations plus strictes et par les attentes de certains investisseurs, est donc davantage qu’une simple déclaration d’intention. Les entreprises, surtout multinationales, ne peuvent plus ignorer l’exigence de responsabilité sociale et environnementale.


Les nouveaux critères de performance et l’évaluation continue

Parmi les tendances effectives, on note le glissement vers des indicateurs de performance (restons sur les terme KPIs, OKRs) centrés sur les résultats, l’inclusion du feedback régulier, la multiplication des points de contact. Nombre d’outils digitaux facilitent un suivi plus agile, tant pour l’évaluation du collaborateur que pour la gestion de projet. Cette transformation, amorcée depuis quelques années, se concrétise dans de nombreux secteurs, en particulier dans les entreprises fortement digitalisées. Ainsi, on observe en pratique un recul progressif des évaluations annuelles classiques au profit de points de suivi plus fréquents, ce qui constitue déjà une évolution marquante par rapport aux années précédentes.


La sécurisation et la modernisation de la cybersécurité

À mesure que le travail hybride se généralise, la question de la cybersécurité se renforce. Plusieurs rapports soulignent que la protection des données (souvent sensibles, comme les données RH) devient un impératif, et nombre d’entreprises investissent massivement dans des solutions cloud, des VPN, ou des formations à la cybersécurité pour les salariés. Ce n’est pas un simple discours, mais une évolution concrète dans la plupart des grandes et moyennes structures.


Les implications pour la fonction RH et le management

La distinction entre « vœux pieux » et tendances réelles permet de rappeler que, pour évoluer, une organisation doit tenir compte des contraintes internes (budget, culture, processus) et des contraintes externes (marché, concurrence, réglementation). Les DRH et managers se trouvent ainsi face à plusieurs défis :

  • Accompagner le changement, qu’il s’agisse de l’IA ou de l’hybridation du travail.

  • Faire la preuve de l’efficacité pour justifier l’investissement dans certaines innovations (bien-être, télétravail, analytiques), il faut des indicateurs robustes, notamment en termes de productivité, de satisfaction, de rétention.

  • Entre les aspirations d’inclusion, de diversité, de bienveillance, et les pressions opérationnelles, il s’agit de négocier un équilibre pertinent entre le « souhaitable » et le « réalisable ».

  • Éviter la « décoration cosmétique » : bon nombre d’initiatives d’affichage (DEI, santé mentale) risquent de se limiter à la communication sans effets durables. La direction générale doit traduire les intentions en actes concrets.


Au final, l’exercice de détection des tendances se révèle donc délicat, car il tient souvent du pari, de la projection et de l’interprétation subjective. En 2025, il est peu probable que l’ensemble des « vœux pieux » se soit traduit en réalité pour toutes les organisations. Le futur immédiat dépendra aussi de la capacité des dirigeants et des RH à transformer les discours vertueux en véritables politiques internes, ajustées à la culture et aux moyens de chaque entité.

L’essentiel pour les managers et professionnels RH, aujourd’hui, est de naviguer avec lucidité entre l’idéal et le possible : repérer ce qui fonctionne ailleurs, tester de nouvelles approches, mesurer leur impact réel et ajuster en conséquence. Les tendances de 2025 ne sont pas figées ; elles se construisent progressivement au gré des interactions entre entreprises, collaborateurs et environnement économique.


(1) Sources : US News World Report, KPMG, Financial Time, Skedda Blog, Forbes, Fast Company, Sloan Review, SHRM, IBM Institute, Etudes RH, Harvard Business Review (édition française) France Travail

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