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Photo du rédacteurErwan Hernot

[Pro Domo] Le management n'est-il qu'un livre de recettes ?


Pro domo : découvrir les coulisses de la formation managériale

Le premier papier de l'année ne pouvait évidemment pas échapper à une question de fond. Le management se définit comme la manière de combiner des individus et des groupes dans un système donné, incluant la structure, la stratégie, le style managérial, les compétences, les profils des collaborateurs et les valeurs de l’organisation. Pourtant, de nombreuses « expertises » traitent du management de manière déconnectée de son écosystème. On y décrit des pratiques présentées comme des recettes valables partout, quels que soient la culture, le secteur ou la taille de l’organisation. D’où cette interrogation : les principes de management sont-ils réellement universels ou bien faut-il les relier à leur contexte ? La réponse conditionne, bien entendu, l'élaboration d'une formation managériale.


Malgré la diversité des cultures et des environnements professionnels, la recherche académique et l’expérience des praticiens s’accordent sur l’existence de grands principes managériaux. Parmi eux, on retrouve :

  • Le leadership : la nécessité d’une vision et d’une capacité à inspirer les équipes.

  • La communication : l’importance de la clarté des informations et de l’échange régulier entre les parties prenantes.

  • Des objectifs clairs : la capacité à définir et partager des finalités communes pour mobiliser les efforts.

  • La motivation : la prise en compte des besoins et des aspirations des collaborateurs.

  • La coordination : l’organisation de processus de travail efficaces et la mise en place de mécanismes de décision fiables.

Ces principes ont un caractère relativement universel parce qu’ils s’appuient sur des dynamiques humaines (par ex. le besoin de sens et de reconnaissance) et sur des réalités organisationnelles (nécessité de coordination, de gestion de ressources, etc.) communes à la plupart des entreprises et institutions.


Si ces grands principes semblent transcender les frontières, leur mise en pratique varie grandement selon l’environnement. Prenons 5 thèmes différents :


  • La culture nationale ou régionale : les styles de leadership peuvent différer (plus ou moins hiérarchiques, plus ou moins participatifs). Dans certaines cultures asiatiques (par ex., au Japon), le management est encore fortement marqué par le respect de la hiérarchie et la notion d’harmonie collective. Il peut être mal perçu de remettre en cause un supérieur en réunion. À l’inverse, dans des pays occidentaux comme les États-Unis, l’esprit d’initiative individuelle et la remise en cause constructive sont valorisés. Ainsi, un manager américain arrivant au Japon pourrait rencontrer des résistances s’il tente de reproduire à l’identique son style directif ou participatif typiquement occidental, sans tenir compte de la valeur accordée à la hiérarchie et au consensus au Japon.


  • La culture organisationnelle : certaines entreprises valorisent l’autonomie, d’autres favorisent le contrôle et la conformité. Par ex. dans une entreprise de haute technologie de la Silicon Valley, la culture d’innovation et de liberté d’initiative permet de tolérer (voire d’encourager) l’échec, dans la mesure où il est source d’apprentissage. Dans une entreprise industrielle plus traditionnelle, la culture organisationnelle peut être centrée sur la robustesse des processus et la minimisation des erreurs. Un même principe, comme la responsabilisation des collaborateurs, sera appliqué différemment : d’un côté, on encouragera la prise de risque et de nouvelles idées ; de l’autre, on exigera une validation plus rigoureuse des décisions avant toute expérimentation.


  • Le cadre réglementaire : la législation sociale, le droit du travail, les contraintes environnementales ou fiscales influencent les marges de manœuvre. Par ex. les lois strictes sur les horaires de travail et la protection des employés en France ou en Allemagne imposent aux managers de respecter des règles claires en termes de temps de travail, ce qui façonne l’organisation quotidienne et la gestion de la performance. Dans d’autres pays, la réglementation sur la durée du travail peut être plus souple, laissant une marge de manœuvre différente pour organiser le temps de présence au bureau ou en télétravail. Un groupe international souhaitant harmoniser une politique RH (par ex., le télétravail) doit tenir compte des divergences juridiques entre les pays, faute de quoi il risque des sanctions ou une démotivation des équipes qui verraient une inégalité de traitement.


  • Les facteurs technologiques : le degré de digitalisation d’une entreprise (télétravail, automation, intelligence artificielle) va impacter la manière de manager. Par ex. une entreprise qui dispose d’outils de collaboration en ligne performants (visioconférence, messagerie instantanée, plateformes de gestion de projets) peut favoriser le travail à distance et la transversalité, alors qu’une structure plus traditionnelle, dotée d’équipements informatiques obsolètes, sera contrainte d’avoir plus de réunions physiques et de processus papier. La mise en place d’un principe de « transparence de l’information » s’appliquera différemment : dans l’entreprise digitale, tout le monde peut rapidement consulter les données clés depuis un tableau de bord en ligne ; dans l’autre, il faudra des procédures manuelles de collecte et de diffusion, plus longues et moins fluides.


  • La stratégie et le marché : les besoins en management ne sont pas les mêmes selon que l’on évolue en situation de croissance, de crise ou dans un secteur hyperconcurrentiel. Par ex. une startup en phase de croissance rapide sur un marché dynamique (disons la cybersécurité) doit adopter un style de management favorisant la réactivité et l’innovation. À l’inverse, une entreprise établie de longue date sur un marché mature et peu concurrentiel (par exemple, un service public d’eau potable) aura tendance à privilégier la stabilité et la fiabilité de ses processus. Le même principe d’« adaptation au client » s’incarnera autrement : la startup modulera constamment son offre et son organisation en fonction des feedbacks du marché, tandis que le service public devra composer avec des normes rigides et une clientèle captive, ce qui limitera ses marges de manœuvre.


Cette variété de contextes explique pourquoi des techniques considérées comme « bonnes pratiques » dans un endroit peuvent s’avérer inefficaces — voire contre-productives — ailleurs. Il est donc indispensable de traduire les principes fondamentaux en des actions et pratiques concrètes, adaptées à l’écosystème local. Il convient, par conséquent, de trouver l’équilibre entre universalité et adaptation. Il existe ainsi une frontière subtile entre des principes généraux qui semblent valables dans la plupart des environnements et leurs multiples déclinaisons pratiques. Deux écueils sont à éviter :

  • Le tout-universel : considérer que la même méthode s’appliquera avec succès partout, indépendamment des spécificités culturelles, réglementaires et organisationnelles. Ce sont par exemple les formations managériales américaines, plus ou moins bien traduites et valables sur les LMS de toute la galaxie.

  • Le tout-local : nier l’existence de principes généraux applicables au-delà d’un contexte spécifique, ce qui empêcherait de capitaliser sur les enseignements de la recherche et de l’expérience en management qui s'est souvent déroulée ailleurs. C'est à dire réinventer la roue quand on n'a pas le temps…


Cette approche ne concerne pas uniquement les grandes entreprises internationales, même les petites et moyennes organisations, voire les administrations publiques, peuvent bénéficier de cette logique pour ajuster leurs méthodes de management à l’évolution de leur environnement. Cette dynamique d’équilibre se vérifie particulièrement lors de missions de conseil ou de conception de programmes de formation managériale ou encore de chantiers de transformation organisationnelle. Avant de formuler des recommandations, un consultant avisé procède à une exploration approfondie de l’écosystème :

  • Analyse de la culture de l’organisation : valeurs fondatrices, modes de fonctionnement informels, style de leadership habituel.

  • Étude de la structure et des compétences : organigramme, niveau de technicité, transversalité des fonctions.

  • Évaluation des ressources disponibles : contraintes budgétaires, infrastructure technologique, savoir-faire interne.

  • Examen du cadre environnemental : concurrence, tendances du marché, législation, pressions sociétales.

Ce n’est qu’à l’issue de ce diagnostic que des solutions concrètes peuvent être formulées, en adaptant les principes de management généraux aux spécificités rencontrées. Cette approche favorise l’adhésion des équipes, minimise les risques de rejet et augmente les chances de succès. Bonne année !

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